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L'INTERVIEW 2002
(retour)

ZABETH, QUI ES-TU ?
SUR EDWIGE, TU CAFTES ?
LES AUTRES
LA MAGIE DES LIEUX
VOYAGE : INTERIEUR, EXTERIEUR
LE QUOTIDIEN



VOYAGE : INTERIEUR, EXTERIEUR


Comment qualifierais-tu ce voyage : initiatique, jubilatoire, éprouvant…etc.…?
Initiatique. Un peu comme la vie en fait… On est là pour apprendre des choses.

Au bout de ces deux années, ressens-tu une certaine usure?
Non, pas vraiment. Mais je crois que ça a été tout de même une bonne chose de se reposer ici en Thaïlande. On en avait besoin pour souffler, parler, rencontrer des amis.

Es-tu mentalement plus forte? Ça se traduit comment?
Alors ça, je sais pas…

Est-ce la part d'orgueil qui est en toi qui t'incite à poursuivre ce voyage, à ne pas abandonner? Ou bien te laisses-tu porter avec indolence par la machine que vous avez lancée il y a deux ans?
Pas l'orgueil : je m'en fous. Pas l'indolence non plus. Je peux continuer le voyage, on en a parlé. J'en ai envie, c'est tout! La Chine… ça va être fou. Ça m'excite complètement.

Sur les photos, tu dégages une impression de puissance à vélo. Tu pédales en force ou en souplesse?
Pas du tout. Je pédale en paresse! L'économie : telle est ma devise pour durer longtemps.

Penses-tu que tu aurais accompli ce périple si tu avais eu la vie "normale" : mariée et entourée d'une marmaille, avec les traites de la maison chaque mois?
Normale, mmmmmm… soit. Aucune idée, c'est difficile de s'imaginer… Peut-être vivre une aventure comme celle la pendant quelques années : ça doit être super aussi en famille.
C'est sûr, à partir d'un moment il faut se poser la question de donner le choix à son enfant. L'école est obligatoire à 6 ans. C'est important qu'il ait des copains, une vie sociale. Mais pendant un an ou deux, ça doit être pas mal. Beaucoup le font.


Une fois rentrée, ce voyage te donnera-t-il quelque chose de plus - voire une certaine "supériorité" sur les autres? A quel point de vue?
Supériorité? Sûrement pas. Non. Quelque chose de plus, peut-être! Peut-être du recul sur notre façon de vivre en Europe.

De quel œil vois-tu les hordes de touristes qui descendent des bus pour digérer des voyages pré mâchés?
C'est pas réellement un voyage, c'est des vacances. Pourquoi pas? Ils ont peu de temps, envie de se laisser guider, d'autres préoccupations.
Tu peux respecter la population locale dans ce genre de voyage. Chacun ses envies. C'est différent, c'est tout.
Mais y' a un truc qui me dérange pas mal chez certains touristes à l'étranger : c'est de ne pas tenir compte de la culture locale. Ceux qui balancent des stylos et des jouets aux gamins m'énervent particulièrement. Ils les transforment en mendiants sans s'en rendre compte. Ils les regardent avec les lunettes de leur propre culture. C'est pas parce qu'un gamin n'a pas la Game boy qu'il est malheureux! Ça m'énerve!
Ceux qui balancent aussi leur argent sous prétexte que c'est pas cher. Le prix, c'est le prix. En donnant trop, tu ne respectes pas le pays. T'imagines un américain donner 50 FF (nota : Zabeth est partie avant l'Euro) pour un café et laisser la monnaie? Il te prend pour qui?
Une dernière chose : y'a ceux qui s'éclatent dans les pays pauvres parce que c'est pas cher. Tu peux rouler en grosse moto, avec une fille à l'arrière, un pétard à la bouche, après avoir fait du tir au magnum à Phnom Penh. Ça me choque dans ce pays.


Ce voyage te fait-il apprécier davantage la France?
Je ne sais pas. Il m'arrive de rêver au Camenbeeeeert!

La mendicité, présente dans beaucoup de pays, te gêne-t-elle?
Oui, comme en France. Ça prouve qu'il y a un problème.
A part dans certain pays, en Inde ou en Asie du sud-est pour les moines. Là, c'est autre chose. Une certaine forme de misère me gêne plus que la mendicité.


Aurais-tu accompli ce voyage seule?
Peut-être pas le même. Les pays musulmans seule, ça doit être plus difficile. A deux on se sent plus fortes.

On se fait une idée toute personnelle du voyage avant de partir. Le mythe s'est-il écorné chez toi après confrontation avec la réalité?
Non. C'est pas mal de vivre dans son rêve. Il évolue au fur et à mesure.

Qu'est-ce qui est moins bien?
Je m'imaginais avoir des contacts moins superficiels avec les gens. Ça se résume à des sensations. Tu vas pas très loin à cause de la langue.

Qu'est-ce qui est mieux?
C'est en live!

As-tu déjà parlé de vos motivations respectives avec d'autres voyageurs?
Oui. Je crois qu'on est tous à la recherche de nous-mêmes dans cette vie de voyage, même si ça ne se formule pas comme ça. Nous cherchons certaines valeurs que nous imaginons plus authentiques. Et puis la curiosité : c'est comment là-bas?
Il y a aussi la superficialité de la vie en Europe : métro, boulot, télé, argent, consommation.


Pédaler, pédaler : qu'est-ce qui te pousse à pédaler dans l'Himalaya, quand la route s'élève sans fin ou au Laos lors d'étapes interminables? La fierté? L'émulation avec Edwige? L'amour du sport?
Non. Le désir d'aller plus loin, de faire la route. D'avancer, quoi. C'est un moyen de locomotion comme un autre mais plus lent et silencieux. Parfois fatiguant, alors tu pestes ou tu rêves à autre chose.

Quels sont les avantages et les inconvénients de ta condition de femme?
L'avantage c'est que les gens sont moins suspicieux envers les femmes. Ça facilite les rapports.
Les inconvénients, c'est toujours la même chose : faut parfois penser au taré sexuel.
Cela dit, au Pakistan, nous avons rencontré quelques voyageurs hommes qui se sont fait brancher par des hommes. Ils étaient outrés, dérangés! Ça m'a fait rigoler! Pour nous, faut y penser souvent!


Pourquoi avoir choisi le vélo plutôt que la voiture ou le train? Est-ce un choix économique ou philosophique?
Philo… Ça te permet de te sentir libre. Tu avances avec ta propre force. Tu n'es pas trop en décalage avec les gens du coin. Moins qu'en BMW ou Land-Rover, bien que nos vélos paraissent parfois bien luxueux.
Mais parfois je rêve d'un moteur! Pourquoi pas un scooter? Ça me turlupine quelquefois. Mais pas une grosse moto, tu t'éloignes trop des gens.


As-tu des projets d'avenir liés à ce voyage?
Je pense parfois à un commerce entre l'Asie et l'Europe. A suivre…

Beaucoup de voyageurs se fendent d'un bouquin à leur retour. Feras-tu (ferez-vous) de même?
En quoi se démarquera-t-il des autres?
Edwige, oui, je pense. J'aimerais l'aider, la conseiller. Mais ce sera pas mon truc. Je m'intéresserai peut-être à un diaporama numérique. Tu me donneras des conseils? L'ordi et moi, on se connaît à peine mais ça me plairait bien d'apprendre.


Aimes-tu écrire? Est-ce que le fait d'être tenue (au moins moralement) de t'arrêter pour pondre des textes pour le journal et 1001 routes constitue un pensum?
Non pas du tout. Je trouve ça plutôt marrant.

Quel est le changement le plus significatif dans ta perception du monde?
J'ai l'impression que je vois le monde d'une façon plus globale. Pas seulement le côté français ou européen.
Quel point de vue tu prends pour considérer l'éventuelle guerre contre l'Irak? C'est dingue, non?


As-tu l'impression de contribuer à transformer "infinitésimalement" le monde en y laissant ta trace besogneuse?
Absolument pas.

Quel a été le moment le plus fort de ce voyage, celui qui restera à jamais dans ta mémoire?
Y a pas vraiment un moment plus fort que les autres. C'est sûr, au delà des super routes comme la KKH, le Ladakh, je crois que c'est vraiment la rencontre avec ces familles ou ces types arabes et kurdes qui m'a le plus bouleversée.

Si on te propose un job à l'étranger, tu le prends?
Ça dépend du job et de l'endroit.

Ce voyage est-il plus dur ou moins dur que tu l'imaginais?
Il y a des trucs que je ne m'étais pas imaginé, comme le manque de relation parfois. J'avais bien imaginé par moment les cafards et la saleté : c'est quand même pas la joie quand ça arrive, hi hi.
T'as beau t'imaginer que c'est beau, quand tu y es et que t'y arrives, c'est hyper BEAU et chouette d'être là.


Te souviens-tu de ton état d'esprit au moment du départ?
Oui. Complètement stressée, sans beaucoup de recul sur les choses. Fallait penser à plein de choses matérielles. Quitter tout et s'organiser.
Bouvier dit : "Le plus dur, c'est de partir." C'est vrai. A Tunis, on a dormi une semaine… crevées!


Quel est ton état d'esprit actuel?
Une petite ballade en Chine, ça me motive beaucoup… et comme d'habitude ça me fait un peu peur (mais j'aime bien). Après, on verra bien.

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