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L'INTERVIEW 2002
(retour)


ZABETH, QUI ES-TU ?
SUR EDWIGE, TU CAFTES ?
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VOYAGE : INTERIEUR, EXTERIEUR
LE QUOTIDIEN








Christine recueillant les propos de Zabeth

ZABETH, QUI ES-TU ?

Zabeth, peux-tu te définir en quelques mots?
Pas facile! Ben, j'suis assez timide et réservée. J'aime pas trop les interviews… Mais non, c'est pas vrai!!! Hi hi! A boire please…

Pourquoi avoir attendu 40 ans pour prendre la route?
J'ai 38 ans, pas encore 40! C'est un désir que j'avais depuis longtemps et c'est à 35 ans que tous les ingrédients ont été réunis. Ingrédients matériels et moraux. C'est une histoire de maturité aussi.

Te sens-tu plus forte maintenant qu'à 20 ou 30 ans?
Oui. Je sais un peu plus ce que je veux.

Quelle a été ta plus belle peur?
Ça va être le même truc qu'Edwige. C'est l'accident en Iran (voir interview d'Edwige). C'était affreux. J'en ai une autre, c'est quand j'ai vu disparaître Edwige dans une bouche d'égout à Pumpin en Thaïlande. Plus de peur que de mal.

Qu'attends-tu d'un tel voyage?
Trouver une manière de vivre plutôt que de faire un voyage, chercher un équilibre entre ce que j'ai envie de faire et ce que je fais. Et prendre le temps d'y penser. C'est un luxe.

Qu'est-ce que ça te fait de te voir en photo sur Internet, sachant que n'importe qui dans le monde peut te voir?
Je n'y pense jamais. J'ai l'impression qu'il n'y a que moi qui puisse me voir. Ça reste très intime.

As-tu conscience d'être ainsi "épiée" par quelques dizaines de personnes?
Non, pas épiée. J'ai le sentiment de partager un bout de ma route avec certaines personnes. On ne peut pas faire part de tout sur le net et heureusement! Si je peux faire rêver des gens, c'est bien.

As-tu l'impression d'avoir accompli autant de chemin intérieurement que géographiquement?
Euuuuuhh… non… c'est relatif… J'ai encore beaucoup de chemins intérieurs et géographiques à parcourir!

Si cela arrivait aujourd'hui, mourrais-tu en paix … puisque tu as découvert le monde?
Non. Je ne suis pas encore prête pour la mort. J'ai encore l'envie de faire plein de choses. Je n'ai pas découvert le monde. Est ce possible d'ailleurs? Bref, la sagesse orientale ne m'a pas encore touchée.

Peux-tu concevoir de poursuivre cette vie nomade indéfiniment?
Heuuuuu… je n'arrive pas à définir "indéfiniment". Peut-être demain mais peut-être pas après demain.

Le plaisir finit-il toujours par prendre le pas sur les galères?
C'est pas vraiment le mot plaisir, plutôt : bien-être. On n'a pas eu de très grosses galères. Je touche du bambou pour que ça dure, hi hi. Quand ça ne va pas, on a toujours tendance à l'oublier rapidement. C'est pas mal ce fonctionnement humain.

Tu me racontes ta plus belle galère?
J'aime pas raconter ce genre de truc. Ça donne une image fausse des choses parce qu'on ne retient que ça. Bon… en Libye, on s'est retrouvées dans une voiture avec un type pas vraiment honnête, genre obsédé sexuel. J'étais pas vraiment fière.

As-tu le temps d'être émue malgré la gestion du quotidien?
Oui, oh oui! En Thaïlande c'est très facile. La rencontre avec les gens est superbe et c'est tous les jours. Les paysages sont magnifiques et la lumière change sans arrêt selon l'heure de la journée. La lumière de mousson est magique parfois.

As-tu pleuré durant ce voyage - tristesse, rage, dépit, découragement…?
Non.

Quelles différences entre la Zabeth d'avant le périple et l'actuelle?
L'actuelle se rend compte qu'elle peut réaliser des choses qu'elle aime vraiment. Ce n'est pas un rêve, tout est possible… Il n'y a pas de temps à perdre. Plus de temps à perdre…

Quand tu étais petite, avais-tu déjà l'esprit aventureux?
Oui. J'avais un esprit curieux. Envie d'aller voir ce que je ne connaissais pas. J'étais plutôt physique, sportive.

Ce voyage est-il une revanche sur quelque chose ou quelqu'un, une manière d'exorcisme?
Non pas du tout… philosophe, va!!!!

Vis-tu ce voyage davantage de manière charnelle ou spirituelle?
C'est difficile ça! Par moment plus charnelle et d'autres plus spirituelles. Comme dans la vie quoi! En ce moment hyper charnelle… Hi hi.


Epuises-tu ta capacité d'émerveillement, au fur et à mesure que le voyage progresse?
Non, pas complètement. Il y a des choses qui m'émerveillent moins. les scènes de rues par exemple, qui sont devenues mon quotidien.

Ce périple t'apporte-t-il l'enrichissement spirituel que tu escomptais - entrevois-tu ton Graal?
Oui, petit à petit. Je suis encore en recherche, c'est très lent. Atteindre mon Graal, ce serait être en accord avec moi-même, avec mes désirs, les réaliser sans maintes hésitations. Je n'en suis pas encore arrivée là.

As-tu toujours rêvé de partir?
Oui, toujours.

Es-tu proche de la caricature des Français en voyage à l'étranger : râleuse, exigeante, jamais contente, réfractaire à l'anglais?
A un moment donné, oui, j'ai pris conscience que j'étais carrément une caricature. Ça m'a fait rigoler,un peu désorientée, un peu vexée aussi. J'essaie maintenant de m'observer de plus loin, d'être plus ouverte.

Le centre de ton monde s'est-il déplacé durant ce voyage?
Oui. La France est de moins en moins au centre. C'est ma culture qui évolue, même si elle reste sûrement française, du moins européenne.

Qu'éprouves-tu quand tu mesures le chemin parcouru depuis deux ans ?
Concernant le chemin kilométrique, c'est le mal aux fesses qui prédomine, cette douleur légère dans la partie fragile de mon anatomie, hi,hi!
Sinon, ces deux années qui pouvaient m'apparaître très longues au départ, maintenant c'est plus rien.


A vingt ans on ne sait pas qu'on est mortel - à quarante, si. Ayant cela à l'esprit, est-ce que, en fin gourmet, tu savoures davantage cette aventure exceptionnelle?
Oui. C'est peut-être aussi pour cela que je n'ai pas envie que ça s'arrête.

Pourquoi avoir décidé de rallonger votre périple? L'amour du voyage? La peur de retrouver une routine désormais insupportable?
Les deux mon général! J'ai encore envie de voir des choses et ça demande du temps. D'autre part, j'ai des difficultés à m'imaginer revivre comme avant. J'aimerais que ce voyage ne soit pas qu'une parenthèse même si je rentre en France à un moment donné.

La perspective de retrouver ton poste de prof de sport t'effraie-t-elle?
Le mot est un peu fort, quoique… J'aurai besoin d'avoir beaucoup de projets autour de ce métier pour pouvoir revenir. Cette perspective ne me tente pas trop en ce moment.

Pourras-tu le vivre avec autant d'implication qu'avant?
Oui... Mon implication n'a jamais été totale, donc oui… Bon,bon…

As-tu parfois une pensée pour les premiers explorateurs qui "travaillaient sans filet", sans cette technologie qui te relie à ton monde d'origine? Te sens-tu petite à côté d'eux? Les envies-tu?
Oui, parfois. C'étaient de vrais aventuriers, ce qui n'est pas mon cas. Je les envie sur le papier, c'est tout. J'aurais eu trop peur, moi.

Quel est le sentiment qui te domine depuis le départ?
Le désir de voir autre chose, toujours plus loin. Une autre façon de vivre, de voyager.

Aurais-tu le sentiment de perdre la face si tu abandonnais ce voyage en cours de route parce que tu n'aurais pas les ressources morales pour continuer?
Non, je suis simplement face à moi-même. On ne perd pas la face face à soi-même.

Es-tu capable d'analyser ce qui a changé en toi ces deux années passées?
Je me laisse davantage guider par mes désirs. Je peux réaliser des choses qui me plaisent, susceptibles d'évoluer et auxquelles je suis capable de m'adapter. On dit que l'Asie accorde une place importante à l'esprit.

As-tu l'impression de t'être forgé une âme?
Ouh la la ,il faut plus de 2 ans pour se forger une âme, que l'on soit là ou ailleurs. En tout cas, je suis très lente. Une fois que j'ai compris, j'ai compris. Mais c'est pas encore ça, c'est très long.

Quel regard poses-tu sur tous ces pays et ces gens que de toutes façons tu ne connaîtras jamais intimement?
C'est une des faiblesses du voyage : passer, même à vélo. J'aurais envie de m'arrêter plus longtemps pour m'imprégner des gens qui vivent là, et d'y poser un regard curieux et ouvert.

Ce regard est-il plus sombre qu'avant ton départ ou au contraire chargé d'espoirs?
Chargé d'espoirs, davantage que je ne l'aurais pensé avant. Je trouve qu'une majorité de gens sont ouverts et hospitaliers… Ils sont curieux, intéressés par l'étranger. Ouverts, oui c'est le mot.

Parlons du temps - il ne s'écoule pas à la même vitesse selon l'endroit, ni même selon les personnes. Qu'en est-il pour toi?
C'est une notion évolutive. Deux années, ça peut me paraître très court aujourd'hui… Dix ans aussi. Avant je me disais : en deux ans je peux faire quoi? Maintenant je me dis : je ferais bien cette route, il me faudrait combien de temps?

Emprunteras-tu quelque chose du mode de penser des Orientaux?
Peut-être le fait de vivre au jour le jour, de me contenter de ce que j'ai.

Trouves-tu ta vie d'avant, en France, futile? Par quels aspects?
Oui. L'importance qu'on accorde au look par exemple. Les effets de mode. T'es à côté de la plaque si t'as pas le truc qu'il faut, si tu fais pas le truc qu'il faut. On se situe tous par rapport à ça. Que ce soit celui qui s'habille sans marque et lit le Monde, ou celui qui est en Nike et ne jure que par le feuilleton le plus con de la télé.

As-tu l'impression d'une grande fracture avec ta vie passée?
C'est une vie différente, alors c'est sûr, c'est une fracture. Petit à petit cette fracture s'intègre à ta vie et ce n'est plus qu'une expérience. Cela dit, je ne me sens pas totalement détachée de la vie en France. Je ne crois pas en avoir envie d'ailleurs, pour l'instant.

Que changeras-tu dans ta manière d'aborder le quotidien quand tu seras de retour?
Rester moins dans le flou : avoir des projets précis et mettre tout en oeuvre pour les réaliser. Lire sur des sujets particuliers, apprendre l'utilisation de certains logiciels, m'intéresser davantage à l'information mondiale, toutes choses que je ne peux pas faire en voyage.

En le réalisant, es-tu en train de tuer ton rêve?
Non, au contraire, c'est comme si c'était un révélateur de mon rêve qui évolue.

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