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Zabette & Edwige

EXTRAIT DE L'INTERVIEW REALISEE EN HONGRIE

PARANOCHINE

Pourquoi avez-vous quitté la Chine précipitamment ?
Edwige
: A cause du S.A.R.S.… (Severe Acute Respiratory Syndrome - en français : pneumonie atypique)

Zabette : … et à cause de la façon dont c'était traité par le gouvernement chinois. On n’avait pas confiance dans les actions du gouvernement. Ça rendait inquiet.

Que saviez-vous du S.A.R.S. ?
E : On avait d’abord pris nos infos sur Internet puisqu'on ne pouvait pas lire les journaux. Puis le gouvernement a fermé les Internet cafés trois semaines avant qu’on parte (départ le 13 mai 2003). A la fin, on n’avait plus aucune information.
Un jour on a craqué. C'était à Houhehot. On a téléphoné à l’ambassade de France, Zabette était à la limite de pleurer.
Dans la rue c’était terrifiant, terrifiant. On ne savait plus à qui s’adresser. Même pour téléphoner, on était obligées de demander de l’aide parce que quand tu téléphones, tu tombes sur un opérateur qui te parle en chinois ! Tu te dis : «Mais qu’est-ce que je vais faire ?»

Z : On a trouvé une dame super gentille qui nous a aidées.

E : A l’ambassade ils n’ont pas été rassurants. On était près de la frontière mongole, mais on n’avait pas de visa et la frontière était fermée.

Vous vouliez traverser le désert de Gobi ?
E : Oui. Gobi, et les montagnes de l’Altaï. On avait envie de faire du cheval, aussi. Mais la Mongolie il faut la faire entre juin et août. Après ce n’est plus possible.

Z : C’est trop froid.

E : On n’avait pas le choix : on a donc décidé d’aller sur Pékin. En plus se greffait là-dessus un problème d’extension de notre visa, il ne nous restait plus que dix jours.

Vous auriez pu faire demi-tour et repartir vers le sud ?
E : On y a pensé. Peut-être qu’ils nous auraient donné quelques jours d’extension pour le visa.

Z : Mais à l’ambassade de France ils disaient : «Ne faites pas demi-tour, venez à Pékin, vous prendrez un vol pour partir. Vous risquez d’être coincées dans le Yunnan parce qu’ils vont fermer ses frontières.» Presque tous les vols étaient annulés, c’était dingue !           

E : C’était parce que les avions étaient vides. Moi je rigolais - je me moque toujours un peu des gens. Dans la guest-house où on était, les types arrivaient : «Ohhhh, nos vols ont été annulés !» Moi : «Ahhh ? Faudra qu’on téléphone.»
On n’avait pas envie de prendre de vol, mais bon… on a cherché la destination qui nous paraissait la moins bête…

Z : … et le vol a été annulé aussi.

E : Finalement on s’est retrouvées à Istanbul.         

Restons en Chine. Vous avez vu des types dans les rues qui aspergeaient les gens pour tenter d’enrayer la maladie ?
Z : Oui, des espèces de cosmonautes, avec un truc dans le dos comme pour traiter les vignes.

E : Un pulvérisateur.

Z : Ils arrêtaient les camions, ils les aspergeaient tous.

E : Au milieu du désert aussi. C’était délirant ! Sur une route balayée par le vent qui traverse le désert, des barrages de police arrêtaient tous les véhicules. Ils nous arrêtaient, on ne savait pas trop pourquoi. On ne pouvait pas repartir. Puis un chef arrivait qui nous donnait l’autorisation.

Z : Tous les petits restaurants et boutiques de bord de route étaient fermés. Derrière une des boutiques, la fenêtre était ouverte, une fenêtre avec des barreaux. Une bonne femme avec un masque te passait les trucs comme ça. Tu attrapais peur !

A cette époque, vous ne saviez pas si le S.A.R.S. était réellement dangereux  ?
E : On ne savait pas comment ça se transmettait et si c’était dangereux.

Z : Moi j’étais inquiète.

E : L’ambassade nous a dit que les gens des campagnes commençaient à avoir peur. Les Chinois renvoyaient les gens des villes et installaient des hôpitaux à la campagne. Les autorités ont contribué à créer cette inquiétude.

Z : Ils n’avaient pas assez de moyens, ils ont importé du matériel médical d’occident.

E : Certaines villes étaient en quarantaine. En Inner Mongolie, on n’avait pas le droit d’entrer dans les villes. 
On est aussi restées coincées sur un pont pendant des heures. Les policiers nous ont laissé nous engager sur le pont. A l'autre bout, leurs collègues nous disent : "On ne passe pas". On fait demi-tour, on revient à notre point de départ. Là, les premiers policiers, ceux qui nous ont permis d'emprunter le pont, refusent de nous laisser passer !
C'était surréaliste.

Z : Un truc pas rassurant non plus, c’est que le chef de la police d’un district ignore totalement ce qui se passe dans le district d’à côté.

E : Ils ne communiquent pas.

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PULVÉRISÉES

Avez-vous été aspergées ?
E : Oui !

Avec quel type de produit ?
Z : Tu as vu la trace dans le dos, sur mon pull bleu ? (rires)

Non, j’ai pas fait gaffe.
Z : Y’a une trace blanche.

E : C’était à l’hôtel. On voit une femme, le soir, qui arrive. Elle devait avoir eu des consignes. Elle portait une gamelle.

Z : Un hôtel pourri. Pourri.

E : C’était de l’eau de javel. Elle en aspergeait tout ! Les chambres, les lits, les meubles, nous ! Les jours suivants, dans d’autres hôtels, ils avaient les pulvérisateurs.

Z : La première fois qu’on a vu ça, c’est dans une gare. On dormait dans un hôtel situé en face.  Je suis allée aux toilettes à la gare parce que ça ne marchait pas à l’hôtel. Là, il y avait les cosmonautes, ils aspergeaient tout.

E : Ils pulvérisaient dans les trains, dans les bus, les camions, les voitures.

Vous avez «traitées» plusieurs fois ?
E : Dans les hôtels, oui. Pas dans la rue.

Z : On nous a même pris la température. Le même thermomètre pour tout le monde !

E : La fièvre était un des critères de déclaration de la maladie. Tout le monde flippait.

Z : Tu te disais : «Pourvu que je n’aie pas une angine !» : tu ne partais plus de Chine.

Vous êtes restées combien de temps en Chine ?
Z : Quatre mois.

Quel souvenir en garderez-vous ?
Z : Les trois premiers mois, bon.

E : Le dernier mois, périlleux. Le S.A.R.S., les problèmes d’extension de visa, l’Administration chinoise délirante, les policiers incapables de dire la vérité…

Quels contacts avez-vous eus avec la population chinoise ?
E : Il y a le problème de la langue. Mais j’ai trouvé les gens très hospitaliers.

Z : Sympas, souriants…

E : … rigolos. A la campagne, on a dormi chez des gens. En ville, on a été invitées  à manger au restaurant, pas à dormir.

Z : Par contre ils nous ont aidées à trouver des hôtels.

E : Je les ai trouvés vraiment biens. Je pense que c’est différent dans les grandes villes de l’est.

Z : Tout de même, avec le problème du S.A.R.S., on a vu des comportements étranges. Un jour, dans une petite ville de banlieue, on cherchait un hôtel. Mais il fallait que ce soit un hôtel autorisé par le gouvernement.
Je vois des filles qui sortent d’un hôtel. J’arrive, vouuuchh elles rentrent à l’intérieur, se barricadent et rigolent derrière la porte : «Hihihihi !» - les Chinois rient toujours quand ils ont un problème. Alors je dis : «On peut entrer ? – Non.» C’était pareil partout. Quand on arrivait, vouuuchh les gens partaient !

E : Ils avaient peur.

Z : Je me demande s’ils n’ont pas pensé que le S.A.R.S. était propagé par des étrangers… ce qui était un peu vrai.

E : On a vu peu de touristes. On pouvait passer trois semaines sans voir personne, à part des Chinois. Ils ont un peu peur de l’étranger, nous représentons l’inconnu. Et aussi, parce qu’ils ont eu droit au bourrage de crâne.

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DU CHINOIS

E : Ils ont du mal à admettre que tout le monde ne parle pas chinois. C’est le premier pays où on a dû apprendre à dire :

Z : «Je ne parle pas chinois».

E : Ils viennent et te parlent. Après ils écrivent… en chinois bien sûr.

Z : Un truc sympa, c’est qu’on avait un petit livre de conversation.

E : Ça nous a beaucoup aidées.

E : Ça date des années cinquante, ils ont traduit le chinois en lettres latines, ça s’appelle le pinyin. Avec ça, on pouvait essayer de parler.
Z : Mais ça ne marche pas toujours.

E : C’est une langue à plusieurs tons.

Z : Sans parler des accents des régions : infernal !

E : Un même mot – ça dépend comment tu le prononces - peut avoir des significations complètement différentes.

Z : Donc on montrait – ils savent tous lire - la phrase en chinois et ça percutait.

E : Mais à partir du moment où on leur avait montré la phrase en chinois, ils étaient persuadés qu’on comprenait leur écriture ! On avait l’impression d’être des analphabètes totales.
Sur certaines grandes routes, l’écriture était doublée en caractères latins. Sinon rien. C’est le premier pays qu'on visite où football ne se dit pas : football, où basket-ball ne se dit pas : basket-ball. Pour France, dans les autres langues il y a souvent quelque chose qui évoque le mot, pas ici.

L'INTERVIEW COMPLETE ICI

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